-Il n’a jamais été rapide que sur un balai, celui-ci, maugréa Holga en regardant Livie et son « fiancé » Théophile faire des singeries dans les airs.

Soyons honnêtes : quoi qu’il puisse se passer pendant cette maudite journée, ce sera forcément mauvais aux yeux d’Holga. Le choix du lieu était déplorable, les décorations une grande faute de goût et cette fête si ouverte qu’à peu près n’importe quel pleutre dans la ville de New York (et même des Etats-Unis) pourrait s’y retrouver invité était absolument vulgaire… Les seules choses réussies étaient les suggestions et apports de son petit Leo, mais elles étaient malheureusement noyées dans le naufrage qu’était ce mariage.

Oui, Holga voyait cette cérémonie comme un outrage personnel. Elle était là, habillée pour l’occasion alors que des vêtements de funérailles auraient été plus appropriés. Elle assistait par devoir à ce terrible spectacle, mais ce n’était certainement pas de gaieté de cœur. (Et elle n’allait pas à laisser à Livie le plaisir de la voir absente). La nonagénaire avait été depuis le départ entièrement opposée à cette idée stupide, et elle ne manquait pas d’arguments (rationnels, contrairement à ce mariage). Elle n’avait évidemment pas hésité à les exposer à Livie, mais comme d’habitude, cette petite idiote n’écoutait rien, ne respectait rien, et la voici en train de voler sur un balai et à persister dans son erreur (et à quelques heures de la conclure définitivement). Peu importe les efforts d’Holga, elle n’avait pas pu l’en dissuader. Dire qu’elle le vivait très mal était un euphémisme.

Que Livie veuille gâcher sa vie avec cet imbécile heureux de Théophile (avouons-le, Holga ne le connaissait pas vraiment personnellement, ou même pas du tout, mais il avait tout à fait le mauvais profil : un Thunderbird, pour commencer, c’était déjà un très mauvais signe, une vie de gamin irresponsable…) c’était une chose. Qu’elle espère améliorer sa situation avec ce mariage idiot en était une autre. Le mariage des deux jeunes était une décision rationnelle, et pas une décision amoureuse, elle aurait donc pu pouvoir se rendre compte de son erreur. Comme si ce marier à ce gamin pouvait lui donner une image de sérieux en politique ! (Oui, Holga connaissait suffisamment sa petite-nièce pour comprendre les motifs). Un mariage pour une telle raison, c’était une chose qu’elle comprenait, même si cela ne lui plaisait guère (et qu’il était justement temps de faire changer les choses), mais il y avait une grosse erreur sur le choix de la personne. Théophile Walker… mais quelle idée, mais quelle idée… C’était justement à cause de telles mauvaises décisions qu’elle ne serait jamais prise au sérieux. Et certes, Théophile était (relativement) beau garçon et populaire, mais cela ne durerait que quelque mois, le temps qu’il se blesse au cours d’un match de Quodpod, ne puisse plus jouer et soit entièrement oublié…

Mais bon, d’un autre côté, n’avait-elle pas été naïve, en s’attendant à mieux ? Cette gamine entêtée n’avait jamais rien écouté.

(Est-ce que ça empêchait Holga d’espérer encore que Livie revienne à la raison et plante son fiancé au dernier moment ? Absolument pas. Beaucoup de choses pouvaient encore se passer en quelques heures… Par exemple si toute cette cérémonie se passait affreusement mal et que Théophile se comportait comme un Théophile, c’est-à-dire s’il trahissait l’immense gaffe et imbécilité ambulante que se trimbalerait Livie si elle allait jusqu’au bout de son idée. Oh, elle n’y croyait plus vraiment, elle n’était pas optimiste, Holga. Mais elle espérait….). Au fond, elle n’avait rien de personnel contre Théophile. Il ne convenait simplement pas dans sa famille.

L’air pincé, Holga tournait le dos aux fiancés lorsqu’ils atterrirent, préférant épargner à ses yeux cette vision cauchemardesque, ce flagrant délit d’échec à mettre de l’ordre dans sa famille. (Même si tout était de la faute de Livie, pas de la sienne. Dans quelques semaines, mois, ou années, elle lui dirait « je te l’avais bien dit »).  Justement, elle avait fort à faire. La vieille dame était assaillie de demandes d’autographes par des convives admiratifs de son œuvre (et sûrement opportunistes, la rumeur de son prochain retour sur scène courrait). Et lorsqu’elle enchantait négligemment une papier pour y laisser une autographe magique que… TIENS ! COMME C’EST ETONNANT ! Pile au moment où elle jetait un sort, quelqu’un d’autre dans l’assemblée avait dû le faire aussi puisque… Oh ! Un petit Crabadaboum informulé partit en direction de Théophile ! QUELLE NEGLIGENCE ! QUI AVAIT BIEN PU FAIRE CELA ? On se demande…

Spoiler:

(Résultat en dessous du post).

Juste après cela, Holga vit Côme à quelques pas d’elle. Elle l’avait invité à venir.

-Ah ! Cher Côme ! Enfin une personne censée par ici… Je suis contente que vous soyez venue à cette… cette horrible gabegie. (Les mots lui commençaient à lui manquer, tant elle était contrariée). Voulez-vous me tenir compagnie un instant ? Oh mais… Dites-moi Côme ! Vous avez une mine affreuse, avez-vous vu vos cernes ? Est-ce que quelque chose vous empêche dormir en ce moment ?