Les vacances de Noël s’annonçaient désastreuses.

Jakob n’avait pas pu rester à Ivermorny cette année, et avait dû rentrer jusqu’à New York pour passer les fêtes. D’un côté, il ne voulait vraiment pas laisser sa mère seule aussi longtemps avec sa grand-mère sans venir prendre de ses nouvelles. Mais de l’autre… Plus loin il se tenait d’elle, mieux c’était. L’idée de rester enfermé dans un appartement (même aussi immense que celui de Michelle Wallace), à ne pouvoir sortir que pour assister à des soirées de jeux politiques, ne lui plaisait vraiment pas.

Et il savait qu’Emely partageait son avis. Elle avait failli avoir l’autorisation de rester à l’école, mais Michelle avait annulé sa décision quelques jours plutôt - sûrement dans le seul but d’aller contre sa petite fille.

Il aurait dû se douter que quelque chose se tramait. Dès leur arrivée, elle souriait trop. Maman avait l’air plus vide que d’habitude, et fuyait son regard. L’atmosphère était tendue avant même qu’ils ne soient là.

La bombe tomba au moment du dîner.

Comme d’habitude, personne ne parlait, jusqu’à ce que Michelle dévoile son plan.

“Jakob ?”

La jeune allemand leva les yeux de son assiette pour croiser le regard de sa grand mère en face de lui, sans lui répondre.

“Je t’ai trouvé une fiancé, sourit-elle.

-Pardon ?

-Quoi ?!”

Il ne comprenait pas. Elle savait qu’il était déjà fiancé. Tout le monde le savait à cette table. Il posa sa fourchette.

“Grand-mère, je ne peux pas épouser cette fille.

-Oh, ne t’en fais pas. Charlotte est une femme très bien, d’une excellente famille. Elle sera une partenaire parfaite pour toi. “

Il prit un temps de pause, son esprit réfléchissant à toute allure.

“Charlotte… Finnegan ?

-Oui. Son père est important au MACUSA, tu sais.

-What the f*ck ?! Charlotte Finnegan ?! Elle a 40 piges ! Elle est plus vieille que maman, et tu veux la marier à Jakob ?!” s’exclama Emely en se levant de table, renversant quasiment sa chaise.

Michelle balaya ses paroles d’un revers de la maison. “C’est une femme très respectable. Ca ne posera pas problème, n’est-ce pas Jakob ?”

Il ne se sentait pas bien. La tête lui tournait presque. Il essaya de reprendre ses esprits. Ce n’était pas une bonne idée d’aller contre Michelle, mais il n’avait pas le choix.  “Non. Je ne peux pas. Je suis désolé.

-Mère, il est trop jeune pour ça… Peut-être pourrions nous y réfléchir plus tard… Tenta doucement Crystal, ses yeux effrayés.

-C’est mort ! Jakob ne l’épouser-

-SILENCE !”

Un temps passa, tous les yeux fixés sur la matriarche, sans qu’un mot ne soit dit. Le coeur de Jakob résonnait dans sa tête.

Badump - Badump - Badump.

“Jakob épousera Charlotte. Son… partenaire actuel ne nous apportera rien de bien. Ma décision est finale.”

Badump-Badump-Badump.

Emely lança son assiette, qui fut réduite en morceaux au sol.

BadumpBadumpBadump.

“Tu vas le forcer comme tu as forcé maman ?! Il a déjà dit non ! Tu ne peux pas le faire sans…”

Bad-

Oh non.

Non non non nononononn…

Emely était blanche. Elle venait de se rendre compte de ce qu’elle avait dit. Jakob se mit à parler sans s’en rendre compte, agissant seulement par instinct. Il n’y avait rien dans son esprit, si ce n’était de la panique pure.

“Emely, ça suffit. Grand-mère a prit sa décision. Grand-mère, je ne suis pas très confortable à l’idée d’épouser quelqu’un d’aussi âgé, mais s’il n’y a aucune autre option, alors nous pourrons l’envisager. J’aimerai attendre quelques mois avant, pour voir si une autre partenaire ne sera pas disponible, si possible.” Finit-il par dire d’une voix blanche, neutre.

Ses yeux ne voyaient plus rien de précis. Il se leva, et attrapa sa soeur par le bras.

“J’ai besoin de quelques instants pour me calmer après cette nouvelle. Emely recevra sa punition pour avoir parlé sans y être autorisée, ne t’en fais pas.”

Sa soeur se laissa tirer en dehors de la salle, essayant tant bien que mal de retrouver le contrôle de ses émotions. Jakob voyait bien la panique dans ses yeux, mais il attendit de pouvoir les enfermer dans sa chambre avant de la lâcher.

“Jakob… Je… Je ne voulais pas..”

Elle était au bord des larmes. Jakob prit une grande inspiration avant de la serrer dans ses bras un instant, fort. Qu’est-ce qu’ils allaient faire, maintenant ?

“Je sais. C’est… C’est pas ta faute. Cela devait arriver un jour.

-Si ça se trouve, elle n’a pas compris.. Elle a peut-être juste compris qu’on pensait qu’elle l’avait forcée… mais pas avec… ce sort…”

Jakob se laissa tomber sur le lit, et passa sa main sur son visage, tâchant de calmer son coeur et sa respiration. Pas de crises. Il ne pouvait pas se permettre d’en avoir une maintenant.

“... Elle est intelligente. C’est ma faute aussi. Si je n’avais pas réagi,ce serait peut-être passé. Et ça expliquerait beaucoup de choses pour elle. Et puis…”

Michelle Wallace était paranoïaque. Jakob tenait ça d’elle.
Sa malle, au bout du lit, brûlait presque ses yeux. Leo avait les clés de la salle secrète. Il en prenait soin, il le savait.

“Il faut qu’on parte. Maintenant. On prend Maman et on s’en va.”

Il se leva. Ils devaient faire vite, avant que Michelle ne réagisse. Avant qu’elle ne se décide à jeter des Imperium à toute sa famille. Il entendit vaguement Emely prendre ses affaires pour les mettre dans la malle, notamment de l’argent. Il prit son téléphone portable, et envoya un message à Leo.


Après un moment d’hésitation, il ajouta un second message.

Il attrapa ensuite un parchemin et écrit un mot rapide pour le professeur Anwar. Elle savait pour l’imperium, alors autant tout lui dire si jamais..
Si jamais…
Il secoua la tête, et écrivit vite :


Il donna son parchemin à Elvira, et ouvrit la fenêtre pour la laisser s’envoler. Il la regarda prendre son élan, démarrer son voyage… avant de faire demi-tour, tout aussi tranquillement. Elle lui présenta sa patte, comme si le message qu’il venait d’écrire était pour lui. Elle semblait presque confuse.

Il se figea, et ferma les yeux un instant.

“Elle a renforcé les barrières.” fit la voix d’Emely, derrière lui.

Les chouettes ne pouvaient plus passer. Elle les avait bloqués, elle savait qu’ils allaient prévenir l’extérieur.

“Merde !”

Il fallait qu’ils réfléchissent, et vite.

“On devrait quand même pouvoir sortir. On ne peut pas transplaner tant qu’on est ici, mais on devrait quand même pouvoir prendre l’ascenseur. Ou la cheminée.
-On peut passer par la fenêtre, aussi.
-Quoi ?
-J’ai mon balai. On… On peut voler ensemble. Comme à Paris. Depuis la fenêtre.”

Il la regarda surpris. Oui, ça pouvait marcher ! Pas besoin de confrontation, comme ça. Il sourit enfin, même faiblement. Ils avaient une chance.

“On prend Maman et on part par la fenêtre.”

Emely hocha la tête, une nouvelle détermination trouvée. Elle disparut vite néanmoins.

“Mais… Maman ne peut pas sortir.”

Jakob hésita, puis prit sa malle. Il n’avait plus vraiment le choix. Il aura aimé avoir plus de temps pour tester son hypothèse sans risquer de mettre en danger sa mère mais…

“Le sortilège l’empêche de sortir oui… Mais c’est surtout qu’elle ne peut pas choisir consciemment de sortir. Je pense que… Il marqua une pause. Je pense que si elle ne sait pas qu’elle est dehors, alors son esprit ne s’apercevra pas qu’elle est en train de désobéir. C’est ça l’imperium. C’est l’obéissance.
-... Tu veux qu’elle reste dans la malle.” comprit sa grande soeur.

Jakob hocha lentement la tête. C’était une solution temporaire mais…. Si elle entrait dans la malle dans la maison, et qu’ils sortaient avec la malle… Cela devrait aller, non ?

Il attrapa sa malle à une main, et sortit sa baguette. Emely fit de même, et croisa son regard. Ils eurent un dernier sourire, avant de sortir de la chambre, Jakob derrière Emely.

L’appartement était plongé dans le noir, avec seulement une lueur au loin, la cuisine. Là où leur mère devait se trouver habituellement, faisant la vaisselle après le repas. Michelle devait être dans son bureau, de l’autre côté de l’appartement.
C’était clairement un piège, et Jakob fit ralentir sa soeur en l’attrapant par le bras. Ils devaient y aller, pour être sûrs, mais ils devaient être vigilant.

“Maman ?” souffla-t-il.

Pas de réponse.

Emely entrouvrit la porte, doucement. Un objet bloquait la porte, l’empêchant de s’ouvrir en entier. Quand la jeune femme essaya de forcer, quelque chose tomba au sol, dans l’entrebaillement de la porte.
Ce n’était pas quelque chose, mais quelqu’un.
Avec de longs cheveux bruns.

Jakob plaqua sa main sur la bouche d’Emely juste avant qu’elle n’hurle, la serrant contre lui pour la calmer alors qu’elle se débattait. Il sentait des larmes brûlantes couler sur ses joues, et se mordit la lèvre jusqu’au sang pour ne pas faire de bruit. Ils ne pouvaient pas se faire repérer. Tout serait perdu.

Il ne voulait pas perdre sa soeur, pas comme ça. Ils devaient retourner dans sa chambre, prendre le balai, et s’enfuir. Maintenant.

Il traîna presque Emely dans le couloir, ne pouvant pas se permettre d’attendre plus longtemps. L’aînée peinait à se calmer, et ne put se mettre debout par elle-même qu’une fois arrivés au salon. Il la relâcha finalement, épuisé, avant que…

“Vous savez, j’aurai préféré ne pas faire ça. J’aime plus Crystal que vous. J’aimais, du moins.”

Ils se figèrent. Jakob chercha sa grand-mère dans l’obscurité, sans la voir. Un sort de désillusion ?
“Malheureusement, elle n’est plus… très brillante, maintenant. L’honneur de notre famille repose sur vous, désormais.”

Ils attrapèrent chacun leur baguette.
A deux, ils avaient une chance. Et ils n’allaient pas la laisser finir son monologue.
Déjà, il devait gagner du temps.

“Arres..
-Mimble Wimble!
-Stupefix !”

Oh. Oh non. Stupide. Il était stupide !!
Sa langue s’enroula autour d’elle-même, l’empêchant de parler. La langue de Plomb. Jakob ne pouvait plus jeter de sortilèges. Emely le tira hors de sa torpeur, alors que Michelle continuait de les attaquer. Mais Emely était plus agile que Jakob, évitant les sortilèges en utilisant les meubles et en attaquant sans cesse la vieille femme.

Mais elle restait moins expérimentée que Michelle. Elle était en train de perdre, et elle ne pouvait pas protéger Jakob en même qu’elle-même et attaquer. Michelle pouvait se réfugier dans le reste de la maison, mais Emely était dos à la baie vitrée, et n’avait que peu d’options disponibles.

Michelle n’allait pas les tuer. Elle risquait de perdre tous ses héritiers. Mais elle commençait à perdre patience. Elle allait finir par se débarrasser d’Emely. Jakob était inoffensif. Il la connaissait, il la voyait arriver.

Il n’hésita pas une seule seconde, et lorsqu’elle lança un confringo sur la chaise juste devant sa soeur, il la poussa hors du chemin, prenant l’explosion à sa place. Cela lui laisserait un petit avantage, une fraction de surprise…
L’explosion le propulsa directement à travers la baie vitrée, qui se brisa sous l’impact, entraînant le jeune homme dans le vide.

Les deux femmes s’arrêtèrent, silencieuses. Il n’y avait pas un bruit, si ce n’était le vent qui s’engouffrait dans la maison à travers la nouvelle ouverture. Elles étaient au 52ème étage, et Jakob ne pouvait pas jeter de sort. Michelle avait presque l’air triste.

“Il semble que je vais devoir me contenter de toi, Emely…” murmura-t-elle avant de redémarrer leur duel.

Emely était loin d’abandonner, pleine de rage et de douleur. Elle profita même d’un instant d’inattention pour offrir une sale coupure à sa grand-mère, en plein dans le torse. C’est à ce moment là que le duel devint encore plus violent, et que Michelle commença à mettre feu à l’appartement.
Emely finit dans les airs, étranglée par des mains invisibles qui l’empêchaient de respirer. Elle ne comprenait pas. Elle était la dernière survivante… Est-ce qu’elle avait décidé de finalement tout abandonner ? Ou alors…
Jakob…
Elle perdit conscience et sombra dans les ténèbres.

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“Tu m’épates, Jakob.”

Il avait du mal à respirer.

“Est-ce que tu as transplané ?”

Il avait froid.

“Il n’y a pas vraiment d’autres explications. Tu as attendu de passer la barrière, et tu as transplaner au dessus du toit…”

Il n’arrivait pas à bouger.

“Ca fait quoi… La barrière est à 5 mètres au dessus du sol… Une chute de 6-7 mètres ? Ca aurait pu être mortel tu sais…”

Qui était en train de lui parler ?

“Je suppose que ça explique l’état de tes jambes. Tu es mal tombé, Jakob. Enfin, tu es tombé sur tes jambes, ce qui est très bien, mais tu étais trop penché sur ton côté droit. Ta jambe est dans un état pitoyable. Est-ce que tu m’écoutes, Jakob ? Il faut que tu apprennes.”

Quelque chose appuya sur sa jambe droite, et la douleur le força à ouvrir les yeux. Il voulait hurler, mais aucun son ne sortit de sa gorge.

“Ah, te voilà. Est-ce que tu comprends ce que je te dis ?”

Michelle était là. Elle cessa d’appuyer sur sa jambe lorsqu’il hocha enfin la tête, terrifié. Il ne l’avait jamais vue ainsi : elle était décoiffée, avec plusieurs coupures et tâches sur son visage. Du sang ressortait de sa chemise blanche.

Il neigeait.
Elle avait dû se battre.
Emely…
Il pensait à elle, en touchant son bracelet. Il n’eut pas de réponse.
Où était sa baguette ?

“Tu ferais mieux de ne pas bouger. Tu as perdu pas mal de sang. Ne t’en fais pas, je ne vais pas te prendre avec moi ce soir. Je risquerai de te perdre. ”

Où était Emely ?

“Tes amis vont bientôt arriver. Ils sont à la barrière.”

Elle s’accroupit, et effleura son visage. il essayait de repousser sa main, et elle le griffa en enfonçant ses ongles dans sa peau, pour le forcer à la regarder.

“Je ne vais pas te jeter d’Imperium non plus, alors calme toi. Tu y résiste trop facilement à mon goût.”

...Quoi ?
Il se sentait faible. Qu’est-ce qu’elle venait de dire ?

“Je ne vais pas d’oublietter non plus. Pas tout de suite.”

Où était sa malle ? Où était la clé ?
Ses joues étaient humides. Depuis combien de temps pleurait-il ?

“Ca ne servirait à rien. Je ne peux pas te prendre avec moi. Non, je vais attendre… Et quand le moment sera le bon, quand tu seras heureux et prêt, je reviendrais. J’effacerai ton Leo, et je t’effacerai de son esprit, comme pour ta mère. Et tu viendras avec moi, Jakob. Pour le protéger. Je n’en doute pas.”

Leo ne devait pas venir. Elle allait lui faire du mal. Où était Leo ? Où était Emely ? Où était Maman ?
Il sentit un frisson le parcourir. Les barrières avaient disparu. Elle le lâcha et murmura quelques mots, avant de disparaître

“Sois sage, Jakob.”

L’instant d’après, il était seul sur le toit, sa voix de nouveau présente. Il baissa les yeux, difficilement, et ne vit que du rouge, sur sa jambe. droite. Il y avait du rouge partout. Il avait du mal à sentir son corps, et laissa sa tête retomber sur le béton.
Ses paupières étaient lourdes.

Il neigeait, mais les flocons disparaissaient dès qu’ils tombaient sur lui.